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Vendanges 2005

L'élaboration d'un millésime, c'est toujours un voyage, une aventure dont le terme n'est jamais prévisible, la nature établissant sa propre "gouvernance", souvent capricieuse ; notre seule habileté est d'apprendre, avec humilité, à nous y adapter.

Le fruit que nous avons vu défiler sur la table de tri pendant les huit jours qu'ont duré les vendanges est le plus beau que nous ayons connu depuis 1999. Qui l'aurait prédit, après un printemps parfois exagérément caniculaire, peu favorable à la floraison, et un mois d'août froid et nuageux, même si la pluie en fut absente ?

Parmi les principaux facteurs qui ont "gouverné" la vie de la vigne en un millésime 2005 que l'on peut d'ores et déjà classer parmi les grands, il faut citer d'une part la sécheresse qui a sévi pendant toute la période de végétation de la vigne, d'autre part le vent du Nord dominant et même triomphant tout au long de l'année. Le dicton qui veut que "le vent des Rameaux soit le vent de l'année" s'est vérifié une fois de plus : le vent du Nord a soufflé tous les jours autour de la période des Rameaux et c'est lui qui s'est sans cesse imposé toute l'année jusqu'à ce jour où nous écrivons, où l'anticyclone, indomptable, a encore chassé les nuages et nous comble en nous apportant, après le temps superbe des vendanges, un été indien exceptionnel qui, à travers une légère brume d'automne, illumine la vigne de couleurs précieuses.

Les périodes de pluie qui sont normales en Bourgogne au printemps et en été ont en effet été inexistantes depuis le mois d'avril, qui, lui, fut assez pluvieux, chaud et favorable à une pousse rapide de la végétation. Le 4 mai, une grêle frappa le secteur des Grands-Echezeaux et Echezeaux, perturbant pour un temps le développement végétatif de la vigne, mais sans autre incidence qu'une légère perte de récolte. Par la suite seules de petites averses sont venues rafraîchir la vigne en mai, juin et juillet, pratiquement aucune en août, et enfin une pluie bienfaisante le 7 septembre, peu de temps avant les vendanges, qui accéléra le mûrissement du raisin. Le côté ponctuel et diversifié de ces précipitations suivant les secteurs est aussi une caractéristique de l'année : le même jour, il pouvait ne pas tomber une goutte d'eau en Côte de Beaune, mais une averse en Côte de Nuits, celle-ci pouvant être deux fois plus forte sur les Echezeaux que sur la Romanée-Conti et vice-versa, le pire survenant à Santenay et Chassagne où certains secteurs furent anéantis par des grêles extrêmement brutales, Puligny et le Montrachet étant eux quasiment épargnés...

La vigne en 2005 a fait encore une fois la preuve qu'elle aime la chaleur et le sec et qu'elle se suffit de précipitations minimes.

On a connu tout au long de l'année des périodes de grosses chaleurs, mais elles furent courtes et finalement le stress de la vigne, constaté visuellement sur la feuille, mais aussi à travers les mesures de stress hydrique, fut, en 2005, davantage causé par la sécheresse que par la chaleur. Ce sont donc des conditions très différentes de celles de 2003, plus favorables d'ailleurs à une maturation équilibrée du raisin. En 2005 la vigne a toujours continué à alimenter ses raisins, alors qu'en 2003 elle s'en était parfois détachée pour survivre et, même si certaines très jeunes vignes ou des vignes en situation de sols très peu profonds ont perdu leur feuillage très tôt et ont mal mûri leur fruit, la plus grande partie de la Bourgogne et au premier rang bien sûr les grands crus ont conservé sans peine, malgré la sécheresse, la fraîcheur nécessaire. Il suffit de constater aujourd'hui, après les vendanges, la belle tenue du feuillage.

On a bien sûr pensé aussi à comparer avec 1976 qui fut également une année de grande sécheresse, mais il n'y a finalement rien de commun entre ces deux millésimes, 2005 ayant été très sec, mais moins chaud que 1976 et surtout mieux pourvu en petites précipitations, certes rares, mais précieuses. La vigne, comme dit précédemment, se contente de très peu d'eau pour donner ses meilleurs fruits.

Dans ces conditions climatiques encore une fois exceptionnelles, qu'a fait la vigne ?

Les deux stades principaux de la période végétative sont la floraison et la véraison. La floraison débute tôt et bien le 25 mai, mais se fait bientôt lente et inégale sous l'influence de la sécheresse, ce qui aura un impact profond sur la véraison et la maturation. Effet direct de cette floraison contrariée : beaucoup de baies milleran-dées, facteur essentiel, on le sait, de la grande qualité.

La véraison commence vers le 5 août, mais, le travail de photosynthèse de la feuille étant gêné tant par la sécheresse que par la chaleur, sa progression suit le même chemin lent et inégal que la floraison. On sait déjà que, pour décider de la date des vendanges, il faudra savoir attendre afin que la maturation de toutes les baies s'équilibre.

Nos vignes en plants fins et nos méthodes de culture et de taille tendant à des rendements faibles se sont insérées sans problèmes dans ce contexte. Nous avons vu la vigne supporter le stress sans souffrir et mûrir son raisin exceptionnellement vite à partir de début septembre quand la chaleur revint à la fin d'un mois d'août anormalement froid.

Les prélèvements de baies montrent des progressions de l'ordre de 1° à 1°5 par semaine et les caractéristiques du raisin 2005 apparaissent de plus en plus clairement : des peaux épaisses avec une coloration noire intense, peu de jus, beaucoup de raisins millerandés, des grappes en général lâches, donc résistantes au botrytis qui d'ailleurs, avec si peu d'humidité, ne fit que de très timides incursions.

Dès que les prélèvements montrèrent que le raisin avait atteint 13° potentiel dans un état sanitaire parfait, nous prîmes la décision de vendanger. Rarement aussi beau temps sec, frais, lumineux, nous fut donné pour des vendanges. Le travail de sélection que nous avons imposé comme d'habitude aux vendangeurs fut assez simple cette année, ce qui explique les vendanges exceptionnellement courtes : éliminer les petites traces de botrytis présentes sur certaines grappes, faire tomber les quelques grumes sèches suite à une grêle ou brûlées par le soleil, laisser sur place les quelques grappes trop grosses produites par les ceps moins fins.

Ce fut un plaisir rare pour ceux qui "officient" à la table de tri, et dont le travail, juste avant l'encuvage, "peaufine" celui des vendangeurs, de voir défiler ces raisins mûrs et colorés, chacun parfait exemple du Pinot Noir fin dans toute sa splendeur.

Voici l'ordre de la vendange :

La Tâche ........................... 15, 16 et 17 septembre

Romanée-Conti ................. 15 et 16 septembre

Richebourg ........................ 17 et 18 septembre

Grands-Echezeaux ............ 18 et 19 septembre

Echezeaux ......................... 19, 20 et 21 septembre

Romanée-St-Vivant .......... 21, 22 et 23 septembre

Les rendements des vins rouges atteignent en moyenne 28 à 30 hl/ha, c'est-à-dire que 2005 est une récolte tout à fait satisfaisante en quantité.

Le Montrachet fut la dernière vigne vendangée, le 23 septembre, avec un très haut niveau de sucre, une belle acidité et un faible rendement. Ce devrait être un très grand vin.

Les cuvaisons ont été parfaites, actives, dégageant une exceptionnelle palette d'arômes.

Les décuvaisons sont en cours. Les vins qui sont peu à peu entonnés dans les fûts rangés dans la belle cave de la cuverie de Saint-Vivant sont noirs, très parfumés, pleins de fruit, mais tanniques aussi. Avec les précautions d'usage certes, puisque les vins sont à peine finis, on peut d'ores et déjà parler de très beau millésime, en rouge comme en blanc. Inutile de dire que le vigneron est heureux, il a le sentiment que la vigne, accompagnée jusqu'au bout par une climatologie très favorable, a donné dans ses raisins toute la richesse dont elle est capable et que "l'enfant" issu de cet effort ne peut qu'être doué de grands talents !

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