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Vendanges 2004

Aux Jeux Olympiques, qui se sont déroulés cet été en même temps que le raisin mûrissait, la victoire se joue souvent à très peu de choses, à quelques centimètres ou secondes près et avec la complicité d'éléments divers qui sont hors du contrôle de l'athlète - dont la chance ! même si le talent et le travail réalisé pendant les mois et les années qui ont précédé l'épreuve sont essentiels.

Il en va de même pour le vigneron : le challenge proposé par le millésime est certes gagné ou perdu selon la rigueur de la "philosophie" qu'il a appliquée, la justesse des décisions prises tout au long de l'année, mais rien n'est possible sans des éléments hors de son contrôle comme une complaisance minimum des conditions météo... et la chance ! les choses se jouent souvent à quelques jours de soleil de plus ou de moins et la "fenêtre" qui ouvre l'accès à la victoire est étroite, parfois très étroite, et on n'en profite qu'en fonction du travail effectué en amont tout au long de l'année !

2004 est une année où le parcours a été peut-être plus que jamais encombré d'obstacles et de mises à l'épreuve, comme si la nature avait décidé, cette année, d'opposer au vigneron un catalogue complet de toutes les difficultés qu'elle est capable d'imaginer.

L'hiver et le début du printemps furent pourtant prometteurs : février et mars secs, avec quelques gelées bienvenues ; de même avril et mai, secs et chauds pour la saison et permettant une exécution aisée des travaux de taille, ébourgeonnage et des premiers traitements. Pourtant, signe annonciateur de difficultés, le débourrement précoce est suivi d'une importante sortie de beaux raisins, prélude à une grosse récolte, même avec l'ébourgeonnage sévère pratiqué. Il semble que c'est la chaleur exagérée du Printemps dernier qui a favorisé la formation d'inflorescences exceptionnellement développées.

Et puis, vérifiant le fameux dicton qui dit que : "le vent des Rameaux, c'est le vent de l'année", les vents d'Ouest et Sud dominants vont modifier complètement la physionomie de la campagne et, de sèches qu'elles étaient depuis plusieurs mois, les conditions météo deviennent d'abord humides et chaudes à partir de mi-juin, avec même une grêle en mai, sans grandes conséquences heureusement, puis humides et fraîches en juillet et août.

L'adversaire qui se déclare en plein milieu du Printemps, virulent, implacable, n'est pas tant le mildiou que l'oïdium. L'oïdium va imprimer son fer sur 2004, sur le cépage Chardonnay surtout, mais aussi sur le Pinot, ce qui est rare. Seul remède efficace : le soufre, sous forme de poudrages, qu'il fallait à tout prix apporter dès le 15 juin, date d'infestation de la maladie et continuer régulièrement ensuite. Sans rien renier de nos options biologiques, nous sommes parvenus à maîtriser à peu près complètement ce fléau.

Entre-temps, la floraison s'effectuait pendant les derniers jours de temps sec, sous conditions très favorables, entre le 10 et le 15 juin. Pas la moindre coulure à signaler. La récolte imposante annoncée en mars se confirme et même au-delà, tant les grappes sont souvent grosses et fournies en baies. Heureusement, les vieilles vignes et les plants fins qui sont très majoritaires au Domaine restent globalement à l'écart de ces exagérations, mais nous réalisons dès juin qu'une campagne d'éclaircissage (vendanges vertes) va être essentielle dans les vignes jeunes, ce que nous ferons de manière systématique et fine, cep par cep, avec des équipes renforcées, pendant tout l'été.

Début août, avant même la véraison, on voit le botrytis pointer dans les secteurs humides et dans les ceps qui portent de grosses grappes gonflées.

A la fin de la troisième semaine d'août, les perspectives ne sont pas réjouissantes : oïdium toujours menaçant, mildiou qui s'attaque aux jeunes feuilles supérieures, présence de botrytis, perpétuation des conditions humides, rendements qui s'annoncent importants malgré les éclaircissages... Tous éléments qui mettent en question la maturation du raisin et son état sanitaire.

Et là-dessus, pour couronner ce bouquet d'épreuves, le 23 août c'est la grêle qui frappe très durement certains villages de Bourgogne en Côte de Beaune comme en Côte de Nuits. Nos vignes sont grêlées elles-aussi, mais de manière moins sévère et inégalement : le bas de la Romanée-St-Vivant et le Grands-Echezeaux sont les vignes les plus touchées, mais on constate aussi que, si les feuilles dans ces secteurs-là sont hachées, les grappes ont plutôt bien résisté. On sait déjà néanmoins que les vendanges seront difficiles et qu'il faudra trier.

Et puis, miracle, nouveau changement de cap dans le ciel : à partir du 25 août et jusqu'à la fin de nos vendanges, c'est-à-dire jusqu'au 5 octobre, la Bourgogne ne va plus connaître la moindre pluie : six semaines de temps sec, pas trop chaud, lumineux. La vigne, jamais stressée au cours de l'été, va profiter au maximum des réserves d'eau du sol et la maturation explose littéralement. On va gagner une moyenne de 1 degré par semaine - jusqu'à 1,5 degré la troisième semaine de septembre - les acidités, elles, restant stables. Le pourri va complètement sécher.

Compte tenu de nos petits rendements et de nos plants fins, nous sommes mûrs dès le 20 septembre. Nous décidons néanmoins d'attendre le 25 et bien nous en prend, car après un début de vendanges frais, le temps devient de plus en plus chaud et une phase de maturation par concentration se met en place qui va beaucoup favoriser les dernières vignes vendangées.

Les vendanges démarrent le 25 septembre pour les plus jeunes vignes. Ce seront les plus longues - 11 jours - et les plus difficiles qu'on ait connues depuis longtemps à cause du tri ultra-minutieux que nous avons imposé à notre équipe de vendangeurs. Nous choisissons de ne faire qu'un seul passage de cueillette, mais le travail de sélection à la vigne comme sur la table de tri sera exécuté impeccablement. Tout le pourri sec et les baies sèches touchées par la grêle sont éliminés, parfois une par une. Ce sont des raisins tous parfaitement sains et mûrs qui vont être encuvés. L'équipe mérite qu'on lui rende hommage.

Résultat : pas une cuvée ne titre moins de 13°, la plupart, vinifications finies, titreront 14° ou plus. On a assisté en effet au même phénomène qu'en 1999 : les baies figuées, nombreuses cette année comme en 1999, n'ont livré leur jus hyper-sucré qu'en fin de fermentation. Ce phénomène, signe de haute maturité, a permis en plus un allongement des macérations.

Au moment où nous écrivons ces lignes, les décuvaisons sont en cours. Après quelques jours de pluie, le soleil est revenu plein de force sur la Bourgogne. La vigne s'endort sous un ciel d'été dans l'éclaboussement rouge cuivre et or de ses feuilles qui peu à peu retrouvent la terre.

Il est aujourd'hui trop tôt pour donner un avis définitif sur des vins qui sont nouveau-nés. A la décuvaison, ils montrent de belles "robes" pourpres, un peu violettes, qui sont typiques des bonnes années. Les bouquets sont nets et fruités. En bouche, on trouve de la fermeté à cause des bonnes acidités, mais aussi de la "sève" et un corps qui annoncent, semble-t-il, des vins de beau volume. Mais il faudra attendre les malolactiques, que nous ne voulons surtout pas hâter, pour se faire une idée plus juste du millésime et de ses qualités.

En conclusion, nous avons le sentiment profond d'être passés près de la défaite en 2004, mais aussi celui d'être parvenus à mettre en place les moyens de profiter de l'extraordinaire opportunité que nous a procuré ce mois de septembre espéré, mais néanmoins miraculeux.

N'est-ce pas toute l'histoire de la Bourgogne que ce défi que nous propose chaque année notre région avec ses conditions climatiques septentrionales et souvent difficiles, mais qui seules, malgré tous les obstacles qu'elles mettent au travail du vigneron, permettent une expression totale, juste, et passionnante du Pinot Noir.

Cette année, la maîtrise du rendement et le tri minutieux ont été encore une fois les facteurs clés de la réussite. Ce sont eux qui ont décidé de la qualité. En 2004 plus que jamais : à raisin mûr, grand vin ; à maturité inachevée, vin médiocre.

Au niveau des quantités, les diverses opérations de maîtrise de la récolte : taille, ébourgeonnage, éclaircissage (vendanges vertes), si l'on y ajoute les pertes dues à la grêle, ont eu finalement pour effet des rendements peu importants.

Les voici ci-dessous avec les dates de vendanges de chaque cru:

Dates de vendanges Rendements

Romanée-Conti ................. 30/09 ................................ 26,55 hl/ha

La Tâche ........................... 25/09 et 26/09 ................... 26,35 hl/ha

Richebourg ........................ 29/09 ................................ 27,25 hl/ha

Romanée-St-Vivant ........... 30/09, 01-02/10 ................. 28,30 hl/ha

Grands-Echezeaux ............ 27/09 et 28/09 ................... 25,50 hl/ha

Echezeaux ......................... 02-03-04/10 ....................... 26,50 hl/ha

Montrachet ....................... 05/10 ................................ 40,00 hl/ha

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