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Vendanges 2003

En Bourgogne il n'est pas toujours vrai qu'à des conditions climatiques créatrices de stress exceptionnel répondent obligatoirement des vins de très haute qualité. C'est pourtant le cas en 2003 où l'année, malgré des exagérations de températures très anormales, semble offrir de grands vins, dont, au moment où nous les décuvons, nous commençons seulement à découvrir les profondeurs.

L'hiver 2002/2003 fut l'un des plus arrosés des dix dernières années. C'est important de le noter, car cette humidification du sol profond ne fut sûrement pas sans influence sur la bonne tenue de la vigne en été.

Le débourrement fut extrêmement précoce et suivi d'une période très froide fin avril qui provoqua des gelées en certaines situations basses et, partout, beaucoup de coulure sous la forme de raisins qui filèrent en vrilles. En mai nous savions déjà que la récolte serait peu importante et que les vendanges risquaient d'être précoces car nous avions près de 3 semaines d'avance sur les dernières années.

A partir du 20 avril, le vent du Nord s'installe et ne nous quittera plus, amenant avec lui : une absence quasi totale de pluie jusqu'aux vendanges à part quelques très rares orages, des nuits et des matinées fraîches, des après-midi lumineux et chauds, tous les ingrédients pour faire un grand millésime, auxquels s'ajouta une floraison certes extrêmement précoce et rapide, mais aussi, ce qui est surprenant dans des circonstances aussi favorables, accompagnée de coulure due à la chaleur. Résultat : à la nouaison la récolte se présente nettement millerandée : elle sera donc encore plus réduite qu'attendu.

Il est vrai que le grand « cuisinier » qui là-haut prépare les conditions climatiques de l'année a mis un peu trop de zèle à « faire chauffer la casserole » en 2003 : on peut le regretter car la vigne, il faut le reconnaître, a souffert, certaines grappes ont eu leur flanc grillé par la chaleur et le soleil, des jeunes vignes ont quasiment séché et perdu leurs feuilles... mais la majorité des vignes adultes bien implantées ont montré leur formidable résistance à la sécheresse et ont tiré un suc exceptionnel de la souffrance imposée par le ciel en 2003.

En effet, alors qu'en ce mois d'août les glaciers fondent, les rivières s'assèchent, les récoltes grillent et le bétail cherche à survivre, la vigne, elle, reçoit la canicule avec « philosophie ». Certes elle met parfois « le bonnet sur l'oreille » durant les après-midi exceptionnellement surchauffés, ce qui, le soir, donne aux feuilles une allure fatiguée peu habituelle, mais on les retrouve chaque matin ragaillardies et prêtes à faire leur travail de photosynthèse.

Nous avons constaté avec émerveillement, alors que nous-mêmes osions à peine sortir tant il faisait chaud, que les ceps ont profité du moindre apport d'eau, de la fraîcheur des nuits, de quelques rosées matinales, des 2 ou 3 orages, pourtant peu généreux en pluie, qui ont éclaté en juillet et en août... chaque goutte d'eau a été bénéfique et fin août, au moment des vendanges, la vigne montrait des feuilles bien vertes en même temps que des raisins parfaitement mûrs.

Le 25 août nous attaquons les vendanges, la qualité sanitaire des raisins est exceptionnelle : pas une seule baie pourrie, une récolte millerandée pour les raisons indiquées plus haut, des baies ultra mûres, parfois légèrement « figuées » ... nous n'avons pas eu d'autre recommandation à faire aux vendangeurs que celle de faire tomber du bout des sécateurs le peu de grillé qui restait sur certaines grappes, et surtout de ne rien oublier, car la récolte fut minuscule. A noter qu'à cause des températures extérieures encore très élevées, seules les matinées furent occupées à vendanger.

Voici les rendements approximatifs :

Romanée-Conti ................... 16 hl/ha environ

La Tâche ............................ 14,5 hl/ha environ

Richebourg ......................... 17 hl/ha environ

Romanée-St-Vivant ............. 21 hl/ha environ

Grands-Echezeaux .............. 13 hl/ha environ

Echezeaux .......................... 18 hl/ha environ

Moyenne des grands crus rouges ........... 16,6 hl/ha

Montrachet ......................... 33 hl/ha environ

Les vinifications, contrairement aux craintes, n'ont pas posé de problème. Il était bien sûr capital de pouvoir refroidir la vendange, qui, malgré la cueillette matinale, restait chaude. Ceci a bien sûr été réalisé au Domaine et nous avons eu des fermentations riches et harmonieuses, même si nous n'avons pas recherché des cuvaisons longues, étant donné les importantes teneurs en polyphénols des raisins.

Les décuvaisons se terminent. La Tâche est entonnée ce jour. Il est trop tôt pour donner un avis définitif sur le caractère du millésime et sur son niveau de qualité. Ce que l'on peut dire aujourd'hui : 2003 est une année qui ne ressemble à aucune autre et qui, compte tenu des robes extraordinaires et des bouquets à la fois fruités et floraux qui se dégagent des pressoirs, devrait se classer parmi les millésimes tout à fait exceptionnels.

Sur la question que tout le monde se pose en cette année mémorable par sa précocité et une canicule sans précédent : assistons-nous à une évolution radicale et irréversible ? le Docteur Lavalle, auteur de l'un des plus fameux ouvrages sur les vins de Bourgogne : « Histoire et statistiques de la vigne et des grands vins de la Côte d'Or... » publié en 1855 posait déjà la question et y répondait négativement, se basant sur l'évolution des dates de vendanges à partir de 1366. En 1420 par exemple on vendangeait le 26 août à Nuits-St-Georges ! Evolutions cycliques, oui, changements climatiques, non!

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